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le vice suprême

ridicule était le prisme dont elle teignait les choses. À l’église, le bedeau lui masquait Dieu.

Dans le perpétuel désir d’un désir, n’ayant aucun sentiment que d’orgueil ; d’une tournure d’esprit à la Swift, comme une Gulliver chez des Lilliputiens, elle se joua des téméraires qui osèrent lever vers elle le regard de leur concupiscence.

— « Une princesse de marbre ! » disait M. de Quéant, « c’est autrement terrible qu’une fille de marbre ! »

Son jeu des passions qu’elle appelait du contrepoint psychique, devenait féroce, dès que, au milieu des curiosités de l’esprit ou des cris du cœur, elle démêlait le cri du corps et qu’elle se sentait souffletée par le désir du mâle ; alors de toutes les ficelles du pantin, elle n’en tirait plus qu’une, mais à la casser, celle qui tient à la brute.

Cléopâtre n’est possible qu’en Égypte, mais Circé est de toutes les décadences.

Elle fut la fée mauvaise de Virgile, et aux rayons de ses yeux pers, s’opéra souvent l’immonde métamorphose.

À un de ces soupers du dimanche que le prince de Courtenay donnait chez la Nine et où l’on disait plus que tout, Iltis, agacé d’entendre Antar se lancer en des lyrismes banvilliens à l’honneur de la princesse, avait dit de sa voix de verre qui se brise :

— « La Malatesta, une allumeuse d’hommes… »

— « Ce mot de barrière sur une d’Este est un peu nouvelle couche, » répondit Mérodack. « Le vice a sa hiérarchie. On assassine une princesse, on ne l’assomme pas, et votre mot est un coup de poing. À une Italienne de cette valeur, on doit le stylet. Je ne l’ai aperçue que passer, il y a beaucoup de perspective dans cette princesse. »

Puis on avait dit autre chose. M. de Courtenay assistant à une sortie agacée qu’elle faisait sur la niaiserie de ses admirateurs et devant eux, la saluait ainsi :