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Page:Pellerin - Le Bouquet inutile, 1923.djvu/13

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et découvre sa voie. Bien avant d’autres, il reconnaît ses maîtres ; il vit dans leur fréquentation ; il ne lit qu’eux : Verlaine, Laforgue, Rimbaud, Corbière, Mallarmé, Baudelaire, Moréas pour les premiers et, bientôt, Charles d’Orléans, Villon, Sigognes, Magnard, Perin, afin de revenir, sûr de lui-même, aux chatoiements multipliés tant par le rythme que par la métrique pittoresque d’un Banville par exemple ou de P.-J. Toulet. Alors, de spontanés qu’étaient ses courts poèmes du début, ils tâchent à enfermer dans une arabesque précise une cadence appliquée à son but et comme prisonnière d’elle seule et de sa perfection. Rappelez-vous ces strophes serrées et frémissantes, à la subtile acrobatie :


Voir enfin l’île nuancée
Où, sur un rayon d’or,
L’abeille danse et puis s’endort
Au creux d’une pensée,

Où les fleurs sont des fruits, où les
Fruits sont des fleurs, où lance
La fontaine, aux cieux constellés
La chanson du silence !


Jeux ! dira-t-on. Mais la poésie qu’est-elle d’autre de plus noble ou de plus émouvant ? Je ne vois, ailleurs, que redites, rabâchis, navrantes et banales lourdeurs ou confuses onomatopées. Sans doute, la foule s’enivre d’un délire si vulgaire. Est-ce à la foule de formuler un jugement ? Demain la foule aura changé d’avis ou plutôt elle acceptera docilement que le nom d’un poète dont

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