Page:Pellerin - Le Bouquet inutile, 1923.djvu/9

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de celui de vaguemestre dont on m’avait doté aux C. O. A. ! Cela remonte bientôt à douze années, mais qu’elles m’étaient légères, avant sa mort, ces années de jeunesse ! et qu’elles avaient de charme et de rayonnement quand je les évoquais ! Aujourd’hui, j’ai beau faire. Je remue seul d’anciens souvenirs et Grenoble que j’aimais tant ne m’est plus qu’une ville quelconque et sans écho, une ville abandonnée aux passants anonymes, aux touristes et à tous les plaisirs que le seul être au monde capable de m’en rappeler le détail, a laissés pour toujours.

Nous n’entendrons plus ta chanson…


écrivait Jean Pellerin.

Ses premiers vers, qu’il me lisait, étaient tout spontanés et faits à son image. Un miroir sur lequel il aurait incliné mille gestes, n’eût pas été moins prompt à les saisir. Jean Pellerin ne demandait pas autre chose à ses essais. Il les mettait au net sur un cahier et n’en parlait plus à personne. Dieu ! qu’il me fallut dépenser de temps et d’arguments pour décider Jean Pellerin à envoyer ses vers aux jeunes revues ! Il redoutait qu’ils n’y fussent pas accueillis ou qu’on ne les lui prît que pour m’être agréable. Et cependant, voici quelques-uns de ces vers : j’en fais juge qui voudra.


Notre amour ce soir se penche,
Comme s’incline la branche,
Comme penche la clarté
Où s’émerveille l’été…
Il s’élance, brusque flamme.

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