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vents et sur toutes les écumes. Non, l’écrivain croit et dit ce que veut la dictature intime de la vérité.

Il n’a pas choisi sa croyance à proprement parler, il l’a plutôt subie comme une violence à son esprit, le jour où il l’a trouvée certaine, et par sa certitude même identique à la raison, immuable comme la raison. À partir de ce moment elle coule dans le sang de l’écrivain, elle fait partie de sa vie ; on ne peut l’arracher sans arracher un lambeau de son être ; et alors ce n’est plus un homme, ce n’est qu’un spectre ; il ne marche plus, il erre… comme Galilée après le désaveu de sa découverte.

Ce n’est pas que je prétende pour cela que nous devions nécessairement posséder la vérité. Hommes de chair, et, à ce titre, faillibles, tous tant que nous sommes, au pouvoir et hors du pouvoir, qui de nous aurait la présomption de lever la main et de dire : Je tiens la vérité ? Il suffit que nous pensions la tenir, que nous l’aimions, que nous la cherchions éperdument, que nous ayons mis de notre côté toutes les chances morales et intellectuelles de la certitude : morales par la bonne foi, intellectuelles par l’étude ; c’est assez pour l’infirmité humaine, nous avons satisfait à notre consigne.

Mais de ce jour aussi, nous ne nous possédons plus, nous avons fait avec elle un pacte à la vie et à la mort ; elle nous domine, elle nous maîtrise ; nous voudrions écarter de nous cette voix despotique de la conviction qu’il y aurait, pour nous punir de ce délit contre nous-mêmes, une police correctionnelle bien autrement sévère que la sixième chambre ; car ce ne serait pas seulement une sentence d’un quart d’heure et pour