Page:Pelletan – Le Droit de parler, 1862.pdf/18

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Cette solidarité forcée de l’imprimeur avec l’écrivain fait de l’imprimeur le censeur obligé de tout manuscrit présenté à la composition. Or, comme il y va de son état, du pain de sa famille, il refuse impitoyablement son office non-seulement à tout livre suspect, mais encore à tout livre suspect de pouvoir être suspecté par le parquet. La loi, qu’elle le veuille ou non, met ainsi la pensée sous la domination de la machine.

L’imprimerie et la librairie ont redoublé l’une et l’autre de timidité depuis qu’elles ont vu M. Beau et M. Dumineray perdre chacun son brevet pour la brochure du duc d’Aumale et subir fraternellement l’un six mois, l’autre une année de prison. Ah ! Monsieur, Dieu vous garde jamais, vous et les vôtres, de passer une année à Sainte-Pélagie !


VI


Puisque j’en trouve l’occasion, je reconnais volontiers que la préfecture de police traite le détenu politique avec assez de ménagement, je pourrai même ajouter : en aristocrate de la prison. Pendant que le prisonnier vulgaire traîne sur lui la livrée de son délit, la veste et la culotte grises, le prisonnier politique reçoit de la munificence de l’État une jaquette et un pantalon de velours. Il a droit, en second lieu, à un morceau de pain blanc, à une chopine de vin, à une soupe grasse et à un plat de viande quatre fois par semaine. Il reçoit