Page:Pelletan – Le Droit de parler, 1862.pdf/17

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elle doit obéir à la loi des lois, à la loi du progrès. Pour elle, comme pour l’intelligence, le bien n’est qu’un encouragement au mieux, c’est-à-dire au mot d’ordre de l’humanité.

J’ai donc la conviction que signaler le mieux à la loi, c’est la flatter dans son amour-propre et prendre date dans sa reconnaissance. Car elle a trop bonne opinion d’elle-même pour ne pas tendre à la première gloire en ce monde, à la gloire du perfectionnement, et pour ne pas chercher à rapprocher son texte, toujours plus ou moins faillible, de l’idéal suprême de la justice.

Ceci expliqué, j’entre en matière. Si je dis un mot de trop, prenez que je n’ai rien dit, car j’entends rester non-seulement dans la légalité, mais dans la convenance. J’aime le bon goût, je recherche le bon ton ; c’est pour moi l’uniforme et l’insigne de la vérité.

La loi née de l’intelligence a donc cru devoir réagir contre l’intelligence, et, pour la soumettre à une discipline sévère, elle a commencé par faire de l’imprimerie comme de la librairie une industrie à part, régie par un code à part ; elle les a organisées l’une et l’autre en monopole, et les a mises en quelque sorte en régie. Car pour imprimer un livre ou pour le vendre, il faut une dispense de l’État sous forme de brevet. Or, ce brevet, l’État le donne et le retire à volonté, d’un trait de plume, après une ou deux contraventions. La loi, en outre, déclare l’imprimeur, comme l’éditeur, légalement responsables du délit de l’écrivain, de sorte qu’elle les frappe dans leur personne et dans leur industrie, qu’elle les punit de la prison et de la ruine, et par conséquent les punit une fois plus que le principal coupable.