Page:Pelletan – Le Droit de parler, 1862.pdf/7

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monde une terre digne de votre talent, et vous l’avez trouvée à l’île de la Réunion.

À votre entrée en scène, et comme lettre de naturalisation, vous y avez porté une manivelle ingénieuse pour la triture de la canne à sucre. Grâce au service que vous avez rendu à la fabrication de la cassonade, vous avez obtenu une place de confiance sur une plantation. Dans cette nouvelle fonction, vous avez eu à diriger le travail des nègres et à les dresser, en douceur, à rendre à César ce qui appartient à César. Mais si vous y avez fait votre apprentissage du principe d’autorité, vous traitiez toujours vos esclaves, j’en ai la conviction, avec votre amabilité de nature, et le soir ils dansaient gaiement la bamboula sous vos fenêtres.

Vous avez ainsi épousé la fortune, Monsieur, et la fortune vous a conduit à Paris. Toutefois veuillez comprendre ma pensée. Si je rappelle, en ce moment, votre point de départ, ce n’est pas pour vous en faire un reproche, mais au contraire un titre d’honneur. Être comme vous le fils de ses œuvres, qui ne doit qu’à lui-même sa place au soleil, voilà pour moi la noblesse ; je m’entends : la noblesse du travail, et celle-là vaut bien la noblesse de l’antichambre.

À quelque temps de là, vous avez révélé, dans une négociation délicate avec l’Angleterre, une merveilleuse aptitude à la diplomatie ; M. de Persigny, alors ambassadeur, vous avait vu de près, vous avait jugé à l’œuvre, et comme il avait besoin d’un homme selon son cœur pour remplacer le vicomte de La Guéronnière, il vous a nommé directeur de la librairie.

Dieu me préserve, Monsieur, d’aventurer ici ou seu-