Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/17

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Nous n’avions rien à pallier, rien à exagérer, rien à travestir. Réprouvant de toute notre âme, et l’insatiable cruauté de la victoire, et le sinistre appétit de la revanche, nous n’avons d’autre but que d’exposer les faits dans leur exactitude, et de demander ensuite s’il est urgent d’en déblayer l’avenir de la République par l’effacement et par l’oubli.


I

La rentrée du gouvernement légal dans Paris fut marquée par un massacre de vingt ou trente mille Parisiens, suivant les uns, de dix-sept mille, suivant les autres. Avant de le raconter, il faut rappeler brièvement les faits antérieurs qui le préparent et qui l’expliquent.

Les historiens (côté de la répression), notamment MM. Jules Simon et Maxime Ducamp, avouent qu’on a un peu trop tué : mais ils corrigent de suite cet aveu en invoquant les entraînements du combat, l’indignation soulevée par les incendies, la rage d’une lutte meurtrière : explication habile qui, sous couleur d’excuser les soldats, les charge de toute l’initiative et de toute la responsabilité de la tuerie. Par malheur, cela ne soutient pas l’examen.

Le massacre n’eut pas pour cause l’entraînement du combat, car le combat, mené très prudemment, ne fût pas de nature à exaspérer les troupes ; en huit jours de bataille des rues, l’armée, forte de plus de cent mille hommes, ne compta que huit cent soixante-treize morts. D’ailleurs les soldats qui fusillèrent le plus étaient placés en seconde ligne et n’essuyèrent même pas le feu.

Le massacre n’eut pas pour cause la colère soulevée