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mune dans le sang. M. Thiers, dans sa déposition devant la commission d’enquête, ne cache pas les craintes qui régnaient à Versailles. Il convient que beaucoup de gens se demandaient « ce que ferait l’armée si elle était abordée sérieusement. » Des soldats déclaraient qu’ils ne se battraient pas[1]. En effet, il n’est pas douteux, malgré toutes les dénégations, que pendant une grande partie de la guerre civile, un grand nombre de soldats n’aient déserté pour venir dans les rangs des fédérés.

Aussi M. Thiers soumit-il les troupes à un véritable entraînement, dont il a fourni lui-même quelques détails dans sa déposition. « Je fis donner l’ordre, dit-il, de serrer l’armée, de l’isoler. Nos principales forces étaient campées à Satory, avec injonction de ne laisser aborder qui que ce fût. L’instruction était donnée de fusiller quiconque tarderait d’approcher. En même temps, je recommandai de la manière la plus formelle de traiter très bien le soldat. J’augmentai la ration, surtout celle de la viande… » M. Thiers n’ajoute pas, mais on sait, qu’il paya de sa personne. Il allait voir quotidiennement les soldats, goûtait à leur soupe, distribuait les récompenses et les compliments. En même temps, on profitait de l’isolement des troupes pour les exciter contre les « brigands parisiens ».

Il ne semble pas douteux que les premières exécutions versaillaises ne se rattachent au même système. Elles avaient pour but évident de mettre entre Paris et l’armée une haine implacable, un fossé plein de sang. Qu’on en juge.

Du 18 mars au 2 avril, on espéra éviter la guerre

  1. J. Simon, Favre, Thiers. — Voir l’excellent ouvrage de notre collaborateur Fiaux : La Guerre civile de 1871, p. 177.