Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/323

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Sur quels indices se décidaient-ils ? Je l’ignore. Comment lisait-on sur la figure d’un homme qu’il était complice de la Commune ? Je ne sais ; mais après tout, dans beaucoup d’abattoirs, des officiers ne s’y prenaient pas autrement : ils n’arrêtaient pas les passants eux-mêmes, cela est vrai ; mais ils jugeaient, en quelques secondes, des passants arrêtés à la porte par leurs soldats. (Voir l’abattoir du Collège de France.)

Les malheureux arrêtés de la sorte étaient conduits par des soldats de la ligne sous la voûte no 93. Là, deux chasseurs les exécutaient immédiatement.

Cela dura une demi-journée. Dix-huit passants furent ainsi exécutés sous les yeux du témoin.

Un seul des dix-huit avait un fusil, et il le tenait la crosse en l’air. Il l’apportait parce qu’il y avait ordre de rendre toutes les armes.

Beaucoup d’exécutions eurent lieu dans ces conditions. Tout le monde avait chez soi son fusil de garde national !… Que faire ? Si on le gardait, il pouvait être pris dans une perquisition ; et l’on risquait d’être au moins arrêté pour avoir désobéi à l’ordre de rendre toutes les armes.

Si on le rapportait, on risquait d’être pris dans la rue « les armes à la main ».

Parmi ces dix-huit exécutés, il y avait un marchand des quatre saisons, qui sortait du passage voisin. Quand les exécuteurs furent partis, une femme et un garçon de quatorze ans vinrent chercher son corps parmi les cadavres, et l’emportèrent sur sa voiture à bras.

Il y eut un abattoir dans le XIIe arrondissement : Mazas. Il faut lui consacrer une étude spéciale.