Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/46

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un des soldats de ligne qui s’étaient battus à la gare Montparnasse que la victoire y fut sanglante : on ne fit point de quartier : on fusilla notamment cinq femmes accusées par les uns d’avoir voulu empoisonner des soldats, par les autres de s’être battues et d’avoir manœuvré les mitrailleuses : car dans ces périodes sinistres, on ne sait pas bien nettement pourquoi l’on fusille.

C’est le mardi que Marie Lebel fut tuée d’un coup de revolver.

Marie Lebel était une belle et honnête jeune fille de vingt et un ans ; estimée, aimée, admirée de tous ceux qui vivaient près d’elle.

Un de ses voisins, M. R…, qui avait demandé sa main, m’écrit qu’on la disait fille d’un officier supérieur.

Quoi qu’il en soit, le père avait abandonné avec son enfant, la femme dont il l’avait eue. Cette femme vivait avec un ancien soldat de la garde impériale, 18, passage de l’Alma. Et Marie Lebel n’avait connu d’autre père que cet homme.

Le mardi, l’armée occupait la rue depuis la veille. Le bruit se répandit qu’on voyait le drapeau tricolore flotter sur la butte Montmartre. L’ancien soldat monta au point le plus élevé de la maison, pour chercher à le voir. Il fut aperçu d’en bas par un tout jeune officier, un de ces enfants à peine sortis de Saint-Cyr, qui furent les plus atroces de tous dans la semaine de Mai. On supposa, suivant l’absurde habitude du siège, que l’homme qu’on voyait devait faire des signaux à l’ennemi : l’officier monte, le revolver à la main, trouve l’ancien soldat qui redescendait, le menace : Marie Lebel se jette à ses pieds : l’officier la tue à bout portant…

Le souvenir de ce stupide assassinat est encore vivant passage de l’Alma. M. Frébault, le député de l’arrondissement, qui m’a signalé la mort de Marie Lebel, a bien