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C’est ainsi que l’armée s’empara de Montmartre, défendu seulement par une foule confuse de désespérés, sans ordre, sans organisation, sans chefs.

M. Vinoy écrit à ce sujet : « Dans leur ignorance des choses de la guerre, les fédérés n’avaient pas songé à garantir leurs flancs. »

Si la troupe, en entrant dans Paris, avait été avertie qu’elle entrait à la fois dans une maison de fous et dans une caverne de brigands, qu’on juge de ses dispositions en pénétrant dans ce Montmartre, que l’on considérait comme le foyer même de l’insurrection ! Tout le monde y était suspect pour le seul crime d’habiter Montmartre. Il semblait que les maisons y fussent peuplées des assassins de Clément Thomas et de Lecomte.

Le lecteur a vu la troupe à l’œuvre dans les quartiers conservateurs d’Auteuil, de Passy, de la Madeleine, de Notre-Dame-de-Lorette : il devine ce qui devait se passer sur la butte.

C’est ce que je vais essayer de raconter, et j’hésite au début du récit. Dans la guerre, et plus encore dans la guerre civile, toutes les horreurs sont possibles. D’abord, la tuerie a son entraînement ; il arrive une heure où elle devient machinale : on dirait que la bête primitive se réveille. Puis, toutes les diversités de la nature humaine sont représentées dans une vaste agglomération d’hommes telle qu’une population ou une armée : en temps ordinaire, les caractères sauvages sont contenus par le milieu ; dans le malheur, ils éclatent, et ce sont eux qui dominent les autres.

Aussi toutes les guerres civiles, et même presque toutes les guerres, sont-elles pleines d’actes de férocité parfois stupide, parfois raffinée, qui, racontés plus tard, confondent l’imagination, Quand on déchaîne le massacre, il faut s’attendre à ces monstruosités. Il est sin-