Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/126

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de piston, pas un jet de fumée qui ne fasse sortir de l’obscurité du prolétariat un homme d’intelligence et par conséquent de liberté. Hier, ils étaient à peine cent mille, aujourd’hui ils sont un million, deux millions et le nombre va toujours croissant. Aussi, toutes les fois que nous entendons la machine à vapeur battre l’air de son rhythme éperdu dans son vol aussi rapide que le vol de l’hirondelle, nous la bénissons du fond du cœur, dans un religieux respect, car elle propage la cause de la liberté, la cause de la démocratie plus qu’aucune parole d’aucun homme vivant. Le chemin de fer est mieux qu’un moyen de transport ; il est un destin.

Jusqu’à ce moment de l’histoire, jusqu’au perfectionnement de la mécanique appliquée à l’industrie, le travail n’exigeait du travailleur qu’une dépense de force sans plus d’idée que le bœuf n’en apporte à la charrue. L’ouvrier était, à proprement parler, l’appendice de la machine. Mais, de notre temps, grâce au raffinement de la mécanique, le travail exige du travailleur une certaine action de son intelligence : l’étude de l’arithmétique, de la physique, de la chimie, du dessin.

Or, le soir, à la sortie de son atelier, l’ouvrier retrouve cette intelligence, déjà développée une première fois, curieuse et inquiète d’un nouveau développement. Il lit, il réfléchit, il écoute les voix du siècle, éparses dans le vent, il apprend à compter avec les idées ; et, sans vouloir flatter personne au détriment du voisin, il est tel philosophe en manche de chemise qui dépasse