Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/167

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lyre du vieillard. L’idéal de la vie pour ce chantre des sens et uniquement dans l’écume de la coupe et dans la ceinture au vent. Horace, malgré le progrès du temps, vendange à la même treille, et puise l’ivresse la même inspiration ; sur dix odes qu’il écrit, il en écrit huit au moins pour célébrer d’un vers haletant, comme le sein de la bacchante, Nééra couronnée d’ache et de lis ; Pyrrha penchée sur les rênes de soie de son quadrige ; Leucorée, Glycère, Cinara, Inachia, et les cheveux noués à la laconienne, et les soupirs du hautbois dans la rue de Suburra, et ses métairies caressées du vent frais de la montagne, et ses amphores parfumées de cécube, toutes les débauches en un mot et toutes les voluptés d’épiderme d’un poëte épicurien, qui prend la lie de la vie pour la vie elle-même, et fait uniquement de l’homme une machine à jouir, et de la mort un aiguillon de plus à la jouissance.

J’ai honte, je l’avoue, de mettre le lyrisme moderne, ivre d’infini, en parallèle avec cette poésie échauffée des miasmes du banquet ; mais vous prenant vous-même à partie, je vous dis en toute confiance : Jugez dans votre propre cause, et osez vous rendre justice. À cette heure, où, penché sur le problème de l’humanité, j’essaye dans le trouble de mon insuffisance à condenser la preuve débordante en moi de la doctrine du progrès, il y a peut-être là-bas, sur une grève de la Méditerranée, un poëte né d’un reflet de votre génie assis à côté de sa Béatrice inconnue ; ils viennent de lire un de ces hymnes sacrés où vous