Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/198

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veille convertie en monnaie. Autant d’hommes, en un mot, autant de bonheurs, ou plutôt de définitions de bonheur ; bonheur du sauvage, bonheur du civilisé, bonheur du philosophe, bonheur du poëte, bonheur du ministre, du banquier, du paysan, du dévot. Si j’étais roi, disait un pâtre, je garderais mon troupeau à cheval. Évidemment ce mot a un sens trop flottant pour expliquer la loi du progrès dans son invariable et inflexible unité.

Eh bien ! non, cependant, l’école de la perfectibilité a trop le sentiment, j’allais dire l’orgueil de la certitude de son principe, pour opposer une fin de non-recevoir à n’importe quelle question. Elle accepte, le front haut, avec une entière confiance, la discussion sur toute espèce de mot et sur toute espèce de formule ; du moment que vous semblez définir à peu près le bonheur et en donner un programme en passant, je prends l’objection au sérieux et je la soumets à l’épreuve de la réalité.

Or, que crie la réalité par la voix de tous les faits à la fois ? Elle crie que l’homme a véritablement perfectionné et perfectionne de jour en jour ses organes : l’organe de la vue d’abord, puisqu’il a créé une science appelée l’optique, qui prouve que non-seulement il a développé la puissance de son regard, mais encore qu’il a la raison de son développement. Je laisse de côté la lentille du télescope et du microscope, prunelle en quelque sorte de seconde création, à l’aide de laquelle il plonge dans l’infiniment grand et dans l’infiniment