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Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/212

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missement d’horreur l’œil baissé sous son capuchon, que la chair étant la lie du péché originel, et la joie de la sensation une supercherie de Satan, l’homme doit traiter son corps en ennemi, et le dompter par la macération, je tournerai la tête de pitié et je passerai. J’irai visiter par un beau jour d’été le soleil levant sur la colline, et regardant frémir au loin la terre parfumée, couche nuptiale de toute attraction et de toute fécondité, je répondrai : Puisque Dieu a fait cette terre pour rayonner en moi ses ineffables sympathies par ses richesses et par ses moissons, et a mis en moi une fibre électrique pour vibrer au contrecoup de ses effusions et de ses caresses, je le prends au mot, et je jouis de son œuvre à l’heure et dans la mesure où je dois en jouir, sans voir un piège dans le sourire de la création.

Est-ce à dire pour cela que je transporte uniquement, exclusivement le bonheur ou l’idéal suprême de la vie au monde de la matière et de la sensualité ? Faut-il répéter avec le philosophe de l’Ecclésiaste que le pain, le vin, l’or, le baiser de la Sulamite, c’est là le fond de la vie humaine, et que le reste est à peine l’ombre de la fumée ?

Le progrès renvoie le premier cette doctrine de sybaritisme à l’antiquité. Je crois avoir vécu par l’intelligence, jusqu’à ce jour, en bonne compagnie, et j’ai appris de l’élite de l’humanité que la matière, chose finie, chose mobile, tombe trop sous le coup du temps, autre fait de l’ordre fini, de l’ordre passager, pour aller jamais lui de-