Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/211

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ici-bas de félicité ? Pardon, poëte du désespoir, vous oubliez l’immortalité. Qu’importe, vous répondrais-je éternellement, que la mort vienne couper en deux l’hymne du bonheur, si nous devons le reprendre sur une autre scène à la strophe où nous l’avons interrompu ? Seulement entendons-nous, une fois pour toutes, sur ce mot de bonheur.

Qu’est-ce que le bonheur pour l’homme ? L’accomplissement de sa destinée. Et qu’est-ce que l’accomplissement de sa destinée ? L’épanouissement de sa nature. Sa nature, voilà la révélation de Dieu écrite en lui, avec son sang et sa chair, son commandement et son Évangile. Mettons-nous donc à méditer sa nature avec attention, car le jour où nous la posséderons tout entière, nous connaîtrons le secret de la vie et nous pourrons agir en toute sûreté de conscience.

L’homme, corps et âme à la fois, doit vivre d’une double vie, par conséquent, matérielle et spirituelle, en vertu de la divine économie de son organisation. Dieu me préserve de prendre jamais à mon compte cette doctrine manichéenne de l’ascétisme, qui prétend, sur la foi d’un conte religieux, que des deux vies l’une contredit l’autre et l’étouffe sous peine d’être étouffée la première. Je crois que partout où Dieu a mis la main il a mis l’harmonie et non pas la discorde. L’homme constitué par nature à l’état flagrant d’antagonisme ne serait plus le roi, il serait le monstre de la création.

Si donc un moine venait me dire encore avec un fré-