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cune frontière ne peut le circonscrire. Le fini, au contraire, c’est le particulier, le contingent, le multiple, le divers, le déterminé, le lieu, l’heure, le nombre, la figure.

L’infini et le fini constituent donc, comme on dit en langage d’école, deux antinomies radicalement opposées l’une à l’autre, et irréductibles l’une dans l’autre. L’infini ne peut pas plus tomber dans le fini, que le fini disparaître dans l’infini.

Si ces deux formes de l’être existaient seules, elles existeraient séparées par une infranchissable distance. Il y aurait Dieu d’un côté, le monde de l’autre, et au milieu l’abîme. Il faut donc pour les relier un terme moyen qui participe à la fois aux deux ordres d’idées. Or, quel est ce terme moyen ? C’est l’indéfini.

L’indéfini, en effet, participe du fini par la limite, et de l’infini par l’évolution, autrement le déplacement continuel de la limite. Est-ce à dire pour cela que l’indéfini en arrivera jamais, de relai en relai, à dévorer l’infini et à passer, comme vous l’affirmez, de l’autre côté de la divinité. Mais quoi ! parce que vous avez d’une part l’éternité, c’est-à-dire l’infini, de l’autre l’heure, c’est-à-dire le fini, et entre ces deux idées, pour les rattacher l’une à l’autre, le temps, c’est-à-dire l’indéfini, vous pourriez croire que le temps, à force d’incliner l’urne et d’épancher l’heure après l’heure, finira par épuiser l’éternité ! Il ne l’épuisera pas plus que l’espace, en superposant un monde à l’autre, ne finira par dépas-