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Page:Pelletier - Mon voyage aventureux en Russie communiste, 1922.djvu/128

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mon voyage aventureux

gantes et sur le comptoir un assez grand choix de gâteaux. Ce sont les dames de la ci-devant aristocratie qui confectionnent ces gâteaux ; elles viennent les vendre aux pâtissiers et gagnent ainsi de quoi vivre.

Un camarade m’accompagnait, nous étions seuls dans la boutique ; la pâtissière vint à nous, elle parlait français. Elle nous raconta qu’elle avait habité Paris, où elle était vendeuse à la maison Benoîton, un magasin de modes. Elle est mariée au chansonnier révolutionnaire dont les œuvres tapissent le mur du fond de la boutique, et elle a une petite fille de douze ans, qu’elle me présente.

— Mais je ne veux pas rester pâtissière, dit-elle. Toute la journée j’étudie à l’Université pour être ingénieur et le soir, de huit heures à une heure du matin, je sers des gâteaux ici.

J’évoquais les futurs ingénieurs de mon pays, les élèves de Polytechnique et de Centrale, tous fils de la grande bourgeoisie. Dix ans de lycée, un concours très difficile où seule une élite restreinte ose se risquer. Tout cela, cette femme qui n’est plus très jeune semble le faire en se jouant. La Révolution a transformé sa vie. À Paris elle se fut enlizée dans la routine d’une vie inférieure, l’espoir d’une condition plus haute ne lui serait même pas venu. Grâce au bolchevisme qui a supprimé les classes, détruit les préjugés, elle se fait