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mon voyage aventureux

personnes. Le fatalisme russe peut-être : Nitchevo, il n’arrive que ce qui doit arriver.

Enfin, le docteur Kallina vient ; il me donne une carte pour visiter l’hospice des Enfants Trouvés.

J’ai fait la connaissance dans son bureau d’une jeune doctoresse polonaise qui, celle-là, est une bolcheviste enthousiaste. Je corrige le français de quelques-uns de ses articles qu’elle traduit pour les publier ; tous peuvent se résumer en ceci qu’avant la Révolution, il n’y avait rien et que maintenant il y a tout. Cette jeune fille doit être sincère ; elle s’enthousiasme à la vue de deux ou trois ouvriers occupés au ravalement d’une maison ; enfin, dit-elle on commence à réparer !

Celle-là non plus n’a pas mangé depuis la veille. Je tire de ma poche un morceau de pain blanc que j’ai touché le matin à l’hôtel, et le lui offre ; elle est d’abord scandalisée. Comment, à l’Hôtel Luxe on a du pain blanc, alors que tout le monde a du pain noir, quelle injustice !

Je calme ses alarmes en lui assurant, ce qui est la vérité, que c’est par exception que nous avons reçu ce pain : habituellement, au « Luxe » comme ailleurs, on a du pain noir. Et pour la rassurer tout à fait je lui dis :

« Mangez sans scrupules, le pain est exécrable ! »

Je ne sais pas si l’ardente communiste a pu