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Page:Pelletier - Mon voyage aventureux en Russie communiste, 1922.djvu/194

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mon voyage aventureux

que j’entrevois de futures visites au marché. Toutes les semaines je touche des cigarettes, des allumettes ; J’ai l’espoir de toucher un savon ; j’irai vendre tout cela, et même au besoin un costume tailleur, j’en ai deux ; la petite montre que j’ai achetée à Berlin. Avec l’argent je pourrai me payer à l’infini des cacaos avec des petits pains à la crémerie de la Tverskaia. Je me sens prise du génie de la spéculation !

Tout de même, j’ai hâte de partir ; mon inaction me pèse ; elle fait que les conditions matérielles de la vie tendent à occuper la place prépondérante dans mon esprit ; et j’ai dit combien elles sont mauvaises. Je souffre du froid. Il y a bien le chauffage central au « Luxe », mais on ne chauffe qu’un jour sur trois. J’ai pu obtenir de troquer mon caoutchouc satiné contre un manteau d’hiver. Après avoir passé par un certain nombre de bureaux, j’ai obtenu le sésame qui m’a ouvert les « Galeries Lafayette » de l’Hôtel Luxe. Ce n’est pas grand. Il y a là, accrochés à des penderies, des vêtements pour hommes et dames. Mon ex-fils le dictateur s’est déjà fait habiller ; il est tout fringant dans son complet noir. Je choisis un manteau de gros drap ; il est terriblement lourd et je suis écrasée, mais au moins je n’ai plus froid.

Les quelques camarades avec qui je pouvais causer un peu s’en vont un à un, et moi je reste.