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Page:Pelletier - Mon voyage aventureux en Russie communiste, 1922.djvu/25

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en russie communiste

gare à travers la ville presque obscure. Des bandes d’étudiants, coiffés de leur casquette d’uniforme déambulent en discutant sur le trottoir. J’envie leur âge et leurs illusions ; à vingt ans, on croit aux livres, on prend les théories philosophiques au plus grand sérieux ; il est de ces jeunes gens qui se sont suicidés pour un philosophe. J’évoque Stirner, Nietzsche et je voudrais rester là à discuter aussi en me promenant dans cette jolie ville. N’en ai je donc plus d’illusions, moi qui tente ce voyage plein d’embûches pour aller là-bas voir la réalisation de mon rêve. Non, non, au fond de moi-même, je n’en ai plus et depuis longtemps, je le sais bien. Je n’ignore pas que la vie est peu de chose et que les hommes ne valent pas cher.

Mon compagnon me rappelle sa fâcheuse présence ; il prétend que nous devons avoir peur de ces jeunes gens et qu’il faut les éviter : ils détestent les Français dit-il.

Nous nous engageons dans des rues étroites et noires où nous perdons le chemin. Enfin, après avoir demandé plusieurs fois aux rares passants, nous finissons par regagner la gare.

Nous sommes seuls dans le compartiment de seconde. J’appréhende de dormir aux côtés de ce jeune homme qui ne m’inspire aucune confiance. Je ne le crois pas capable de m’assassiner, mais il peut bien me voler et s’enfuir. Ma fatigue cepen-