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Page:Pelletier - Mon voyage aventureux en Russie communiste, 1922.djvu/40

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mon voyage aventureux

L’un d’eux a été, me dit-il pendant deux heures le dictateur de la ville : c’est un ouvrier assez cultivé qui s’est instruit dans les universités populaires. L’autre a fait la guerre pendant sept ans, il y a contracté avec cinq blessures une bonne dose d’insouciance et une remarquable faculté de s’adapter à toutes les situations.

Le jour du départ arrive ; le « chef » m’explique que je devrai suivre un camarade qu’il me présente ; il fait aussi dans leur langue, aux Italiens, des recommandations.

Notre nouveau guide est un grand sec aux allures de lieutenant allemand. Il ne sait pas un mot de français et il prend avec nous des allures de chef qui indisposent fort l’ex-dictateur.

Nous avons pris un taxi-auto. Avec mes médicaments, mes instruments, mes vivres, car le « chef » de Berlin m’a fait acheter force boîtes de conserves, nous avons beaucoup de bagages. Tout à coup, sans raison apparente, le guide nous fait descendre au beau milieu d’une place. « Que faut-il faire ? lui dis-je en allemend. — Vous asseoir ! » répondit-il d’un ton sec et il nous désigne un banc. Je me sens très mortifiée et commence à trouver que tout n’est pas rose dans la dictature prolétarienne.

Notre guide ne s’est pas assis, lui ; il se promène de long en large sur la place et paraît très agité. Évidemment, il attend quelqu’un qui ne vient pas.