fausse tout de suite compagnie pour aller sans doute dormir dans quelque cabine ; les Italiens sont tout à fait choqués de ses façons. Moi, je ne m’en formalise guère. Évidemment, ce guide pourrait nous montrer plus d’urbanité ; mais que m’importe, après tout. L’essentiel est qu’il nous conduise où il faut, sans nous faire arrêter en route ; et il me paraît, à cet égard, connaître son affaire.
J’adore la mer, sa solitude immense répond à la tristesse habituelle de mon âme, et lorsque je la vois, elle m’attire. Naviguer, naviguer toujours, là-bas, loin, très loin. Je trouverai, sur l’autre rivage, le pays où on est heureux, où la vie vaut la peine d’être vécue parce que l’on travaille à une grande œuvre. Cette rêverie vague d’ordinaire, se concrétise maintenant ; j’évoque la Russie où un monde nouveau s’élabore. La terre promise ; c’est la Russie communiste qui réalise en ce moment les idées pour lesquelles j’ai milité pendant tant d’années !
Après une traversée de deux jours, nous débarquons. Un train est là ; tout le monde se dirige vers lui, excepté nous. Nous suivons le guide qui franchit le guichet du port.
Nous voilà dans un village qui est plein de police : à chaque instant, nous croisons un soldat qui fait les cent pas, baïonnette au canon. Notre guide a mis un doigt sur sa bouche pour nous inviter au silence.