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Page:Pelletier - Mon voyage aventureux en Russie communiste, 1922.djvu/65

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en russie communiste

lève furtivement pour ouvrir, car l’air est irrespirable.

Me voilà en prison chez ces paysans, impossible de quitter cette chambre, même pour aller aux commodités qui sont dans la cour, on me verrait. Pour les besoins naturels on me donne un vase de nuit, l’odeur devient infecte.

Et cette nouvelle prison ne vaut pas l’autre. Avec Mme Defarge je pouvais baragouiner un peu d’allemand. Ce n’était qu’une couturière de village, mais il y avait en elle le reflet du commissaire de Moscou, on pouvait échanger quelques idées. Ici, rien. Le mari ne rentre que le soir pour manger et dormir. Impossible de parler avec la femme, d’ailleurs elle ne sait que le letton, dont j’ignore le premier mot. Je suis modeste en disant que je ne sais pas un mot de letton ; j’ai fini par en apprendre un : « kallis ». La femme dit toute la journée ce mot pour apaiser les cris de son dernier-né qui a quinze jours. On m’a dit plus tard que « kalis » voulait dire : « qu’est-ce que c’est ». Mon hôtesse ne fait aucun ménage et la chambre devient d’une malpropreté telle que je finis, malgré ses protestations, par balayer, ce qui est pour moi un plaisir, dans mon désœuvrement. Lorsque le mari rentre elle coupe une tranche du morceau de graisse qui pend du plafond et elle le lui donne à manger avec un morceau de pain noir. C’est là le diner.