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Page:Pelletier - Mon voyage aventureux en Russie communiste, 1922.djvu/66

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mon voyage aventureux

Je suis un peu mieux traitée. À midi, pas toujours, car lorsque la femme part en course, on oublie de me faire manger, je suis gratifiée de deux œufs et d’un verre de thé. Quelquefois à la place des deux œufs, il y a un morceau de cochon salé à la « Lettoch » absolument immangeable pour mon pauvre estomac de parisienne.

Pas un livre ! Mon temps se passe à arpenter la pièce du matin au soir, comme un ours en cage. Je suis tellement déprimée que la satisfaction des nécessités de la nature est pour moi une distraction. Je désire la folie qui au moins me ferait oublier mon malheur, mais la folie ne vient pas, en dépit du bromure que je prends à haute dose pour m’abrutir.

Il y a des moments où je m’imagine subir les épreuves de quelque terrible Sainte-Vehme. Ma situation est pire ; le danger, hélas, n’a rien d’imaginaire.

Je n’ai pas encore pu savoir au juste pourquoi on me retient ici. Le salut, m’a-t-on dit, est à X., à soixante kilomètres ; que ne m’y conduit-on ? S’il n’y a pas d’autres moyens, j’irai à pied, la nuit, le jour je me cacherai. On ne veut pas me laisser aller.

Le pays est plein de policiers, me dit Mme Defarge qui est venue me voir. Si vous mettez le pied dehors vous serez arrêtée infailliblement, et vous savez ce qui vous attend. Nous aussi d’ailleurs, nous serions pris avec vous. De quoi vous plaignez-