Aller au contenu

Page:Pelletier - Mon voyage aventureux en Russie communiste, 1922.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
mon voyage aventureux

comme ses camarades hommes, sauf qu’elle à une jupe : dans sa main, elle porte un fusil. Je voudrais m’approcher d’elle, lui parler, mais les avanies multiples que j’ai endurées dans ce terrible voyage m’ont affligée d’une misanthropie invincible, et je me dis que cette femme n’est peut-être qu’une brute, elle aussi.

Un autre train est plein de gens qui quittent la Russie. Ils campent là depuis longtemps sans doute, car devant les wagons ils ont installé des cuisines. Ils font cuire des pommes de terre, des ragoûts. Je crois d’abord que ce sont de pauvres gens qui fuient la Russie affâmée. Mais non ; à travers les portes ouvertes des wagons on voit, au milieu d’un désordre indescriptible de chiffons et de meubles, de riches samovars qui brillent. Des femmes, par-dessus des robes haillonneuses, ont de magnifiques manteaux de fourrure. Ce sont des juifs lithuaniens qui retournent dans leur pays.

Nous allons voir une petite ville, le conducteur, quelques camarades et moi.

Elle est à cinq kilomètres. Nous traversons un beau pays de collines et de lacs ; volontiers, on villégiaturerait là. Mais c’est sauvage, me dit un Russe qui connaît le pays : vous ne trouveriez rien du bien-être que donne la civilisation. Les champs sont cultivés ; il me paraît y avoir beaucoup de blé. La ville est mal tenue ; les pavés pointus rendent la marche très difficile et il y a partout