Page:Pellissier-Art-ancien.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
CARACTÈRE ESSENTIEL DE L’ART

forces de l’imagination et du cœur à l’élévation des âmes, les génies qui, par la poésie, comme Corneille, Racine et Lamartine ; par la musique, comme Hœndel, Haydn, Mozart et Beethoven ; par la peinture, comme Fra Angelico et Hippolyte Flandrin ; par la statuaire, comme Michel-Ange ; par l’architecture, comme les grands artistes anonymes du moyen âge, ont procuré une féconde satisfaction aux âmes avides de la beauté pure. De pareils artistes sont les vrais bienfaiteurs de l’humanité ; les peuples leur doivent leur gloire la plus solide, leur seule grandeur véritable.

En effet, ce n’est pas aller trop loin que d’assigner aux beaux-arts un rôle social ; la fonction des arts est d’entretenir et de développer dans les âmes le goût des plaisirs élevés, en détournant la foule des plaisirs grossiers et brutaux. À ce titre l’artiste est un puissant auxiliaire du prêtre ; pour être indirecte, son influence morale n’en est peut-être que plus efficace et plus profonde.

L’artiste exprime ce qu’il a vivement senti ; c’est son émotion personnelle qu’il traduit par des mots, des sons, des lignes ou des couleurs ; son mérite, son honneur et sa récompense, c’est de faire partager cette émotion à ses semblables, c’est de donner à notre sensibilité épurée des fêtes dont rien ne trouble l’harmonie et le charme. Mais il n’est digne de ce beau nom d’artiste qu’à la condition expresse d’élever les âmes en les charmant ; si son influence les abaisse et les dégrade, l’artiste fait un vil et honteux métier ; il se déshonore lui-même.