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INTRODUCTION — DU BEAU ET DE L'ART

PRINCIPES DU GOUT

Mozart donnait pour devoir et pour devise à l’artiste : « Émouvoir l’âme en l’ennoblissant. » De ce principe excellent, Ottfried Müller tire cette excellente règle de critique : « Les œuvres d’art ne sont belles qu’autant qu’elles émeuvent l’âme d’une façon bienfaisante, saine et conforme à la nature. » C’est, en d’autres termes, le jugement de la Bruyère : « Quand une lecture vous élève l’esprit, ne cherchez pas une autre règle pour juger de l’ouvrage : il est bon. »

L’imagination n’est pas, comme on le croit communément, un instinct, une faculté toute spontanée, n’ayant d’autre loi que son caprice ; l’imagination a ses lois comme le raisonnement ; la preuve en est dans ce fait, qu’il y a des œuvres d’imagination qui méritent l’admiration, et d’autres qui n’en sont pas dignes. Sans doute, l’imitation est le principe de toutes les créations de l’artiste ; ce jugement de Viollet-Leduc sur l’architecture s’applique aussi exactement à tous les autres arts ; mais l’imitation de la nature est le début et non la fin, c’est un moyen, ce n’est pas l’objet dernier. L’artiste a un double devoir : 1° Chercher le beau idéal ; 2° Étudier la nature. En conséquence, s’il néglige la nature, il tombe dans la routine et la manière ; s’il oublie l’idéal, il se perd dans la brutalité du réalisme. Mais de ces deux excès le réalisme est le plus grave et le plus dangereux, parce qu’il dépouille les œuvres d’art de ce qui fait leur mérite essentiel : idéaliser la nature.

En effet, le réalisme professe une admiration toute sensuelle et dit : « La rose est belle parce qu’elle est belle. »