Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire au XIXe siècle, 1900.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

végétation inculte aux parfums délicats et subtils des fleurs classiques, on se passionna pour une fraîche poésie qui coule de source, qui n’est que l’effusion naïve du sentiment populaire et dans laquelle s’exprime librement la franche humanité.

Ce goût des époques primitives, cette prédilection pour l’adolescence héroïque ou gracieuse des sociétés, où s’épanouit toute beauté candide et toute simple grandeur, s’allia, dès le début de notre siècle, soit avec l’influence religieuse, soit avec le sentiment de l’étroite solidarité qui unit d’âge en âge les générations aux générations, pour provoquer un retour vers nos origines nationales, si méprisées des classiques.

Dans sa seconde préface des Odes et Ballades, Victor Hugo demande d’où vient le nom de romantisme et quel rapport on découvre entre la poésie nouvelle et la langue romance ou romane. Si le romantisme justifie l’étymologie de son nom, c’est justement par ce retour vers les siècles gothiques où nous trouvons un de ses traits les plus significatifs. Chateaubriand en avait été le promoteur : son Génie du christianisme pourrait tout aussi bien s’appeler le Génie du moyen âge. C’est de lui que date l’enthousiasme pour nos antiquités indigènes qui fut d’abord chez beaucoup une vogue sans conséquence, mais dont l’école romantique fit un culte passionné.

On s’éprit au début tantôt d’une chevalerie pimpante avec ses gentils pages, ses troubadours et ses ménestrels, ses bons anachorètes et ses belles châtelaines, ses romances langoureuses et sentimentales, tantôt d’un moyen âge fantastique et infernal avec ses légendes pleines d’horreur, ses oubliettes, ses moines sacrilèges, ses ogres féodaux, sa Cour des Miracles et son Montfaucon. Le romantisme paya tribut à la mode : son chef lui-même fit Han d’Islande, qui est un vrai roman de la Table-Ronde, et les Ballades, dont plusieurs furent visiblement composées dans l’atmosphère factice des salons contemporains.

Mais le génie sain et puissant de Victor Hugo ne tarda