Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire au XIXe siècle, 1900.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

tation de poésie irrégulière et touffue où circule librement la sève du génie domestique.

Le mouvement qui détermine chez nous ce retour vers le moyen âge avait déjà renouvelé la poésie anglaise et la poésie allemande, dont le romantisme français, tout national qu’il est, a manifestement subi l’influence.

Nous avons dit comment Chateaubriand nous initia à l’une et Mme de Staël à l’autre. Benjamin Constant, Sismondi, Fauriel, étendirent le champ des investigations ; l’esprit français sentit de plus en plus le besoin de savoir ce qui se pensait et ce qui s’écrivait au dehors. Si l’enquête studieuse avait été favorisée par les guerres de l’Empire, elle ne le fut pas moins par les événements politiques qui firent rentrer les Bourbons en France sous la protection des étrangers. Lorsque l’école romantique se constitua, les littératures du Nord étaient entrées dans le plein courant de notre critique, qui les expliquait avec une intelligence pénétrante et avec une sympathie éclairée. C’est chez elles que le romantisme alla puiser des exemples pour battre en brèche les théories pseudo-classiques : d’un côté Shakespeare, Walter Scott et Byron, de l’autre Gœthe et Schiller, furent opposés aux représentants les plus illustres du grand siècle ; ils devinrent l’objet d’un enthousiasme fervent, et leurs noms, écrits sur le drapeau de la nouvelle école, rallièrent autour d’eux la jeune génération tout entière. Il semble à première vue que le génie septentrional préside au mouvement d’où va sortir la régénération de notre littérature, et que l’esprit français, en abandonnant les traditions du xviie siècle, soit prêt à trahir sa propre originalité pour s’asservir à l’imitation anglaise et allemande comme les Anglais et les Allemands eux-mêmes s’étaient, en d’autres temps, asservis au goût classique.

Pourtant, si l’influence étrangère eut une part incontestable dans notre renaissance romantique, ce fut surtout en nous exhortant par l’exemple à consommer une rupture depuis longtemps imminente avec les préjugés du pseudo-classicisme. Au fond, le romantisme admira les poètes