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LE LYRISME ROMANTIQUE.

forme qu’elle-même. Elle s’exhale plutôt encore qu’elle ne s’exprime. Elle est immatérielle, et, par suite, sans figure définie et sensible. À quel genre appartiennent ces vers, qui trouvent dans tout le siècle un si puissant écho ? Le poète ne s’en soucie guère. Il les intitule des Méditations. Ce titre indique assez par lui-même ce qu’offre de nouveau la tentative poétique dont il donne le signal. D’abord, il est étranger aux étiquettes de la poésie scolastique ; il procède directement de l’âme ; il se rapporte, non pas au métier, mais à l’homme même. Puis, il annonce le ton élevé que prend tout de suite Lamartine. Le poète « était né sérieux et tendre » ; il garda toujours le dégoût des légèretés du coeur, « un sentiment grave de l’existence et de son but ». Dès le début, sa poésie a le tour en même temps sentimental et méditatif ; elle n’est point austère sans doute, mais sérieuse dans la tendresse et recueillie jusque dans le bonheur.

Le premier livre de Lamartine est ce qu’il a fait, sinon de plus beau, tout au moins de plus pur. Mais son talent s’éleva et s’enrichit dans ceux qui suivirent. Dès les Nouvelles Méditations, le progrès est sensible : à des inspirations plus fermes et plus larges répondent un souffle plus vigoureux, une touche plus sûre, une forme plus ample et plus opulente. Avec les Harmonies, Lamartine parvient à tout son déploiement poétique : la source, si pure à sa naissance, mais un peu mince encore, est devenue un vaste fleuve qui épand à pleins bords des eaux calmes et puissantes. Le poète remplit enfin la capacité de son génie ; il jouit souverainement de sa propre plénitude. Jocelyn, s’il y montre des qualités nouvelles dans l’expression des choses simples et des sentiments familiers, n’est, à vrai dire, qu’un nouveau recueil d’harmonies, reliées entre elles par le fil de la narration.

Jusqu’à présent, il y a développement graduel et continu ; mais le progrès se fait toujours dans le même sens. La veine originelle s’est élargie, elle ne s’est pas renouvelée. Au lendemain même des premières Méditations : « J’en conviens,