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LE LYRISME ROMANTIQUE.

passage de quelque nue », il adresse, le Passé à un de ses amis ; mais, nous le savons par son aveu même, il n’est pas aussi découragé de la vie que ces vers semblent l’indiquer, ou plutôt ses découragements sont fugitifs et passagers comme les sons de sa lyre. « Ce jour-là, continue-t-il, j’étais à terre ; le lendemain, j’étais au ciel. » C’est au ciel qu’est naturellement Lamartine, quand rien n’altère son habitude morale. « Adorer, dit-il, voilà vivre. » Et il ajoute : « Au fond, je ne crois pas que l’homme ait été crée pour autre chose. »

Les exquises douceurs de son éducation, les faveurs de la fortune, les sourires de la vie, tout avait concouru à entretenir l’optimisme natif du poète. Enfant, il ignora « ce qu’était une amertume du cœur, une gêne de l’esprit, une sévérité du visage humain » ; il avait pour mère une élève de Rousseau et de Bernardin, qui l’entoura d’un amour infiniment tendre et délicat, lui épargna toute contrainte, ne lui demanda que d’être « vrai et bon ». Son adolescence et sa première jeunesse ne furent pas moins choyées. Il n’y eut pour lui ni amères expériences, ni dures leçons. Aucun besoin, et, par suite, aucun souci de discipline. Il passa des gâteries de sa mère à celles du monde ; il fut un grand poète presque sans le savoir, et les applaudissements enthousiastes qui saluaient ses premiers vers apportèrent à son oreille le bruit d’une gloire qu’aucun effort n’avait achetée. Il ne manqua qu’une fée autour de son berceau, celle que les contes font apparaître la dernière, et qui, pour se venger de n’avoir pas été invitée, sème quelques obstacles à travers une existence déjà composée à souhait pour le bonheur et la gloire. Tous les défauts de Lamartine viennent de ce qu’il fut trop heureux.

Le poète raconte que, quand il était enfant, ses sœurs et lui s’amusaient à un jeu renouvelé de la harpe éolienne. Ils pliaient une baguette d’osier en demi-cercle en rapprochant les extrémités par un fil, nouaient ensuite des cheveux d’inégale longueur aux deux côtés de l’arc, et l’exposaient au vent d’été qui en tirait des sons harmonieux. Ils