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CHAPITRE VI

L’HISTOIRE

Le romantisme opéra dans l’histoire une révolution non moins profonde que dans l’art théâtral ; et, si la renaissance des études historiques coïncide avec l’avènement d’un nouveau drame, il ne faut pas voir là un pur hasard : comme le drame, c’est en sortant de l’abstraction monotone et raide que se renouvela l’histoire, en saisissant la réalité concrète dans tout le mouvement de son jeu et dans toute la variété de ses couleurs.

Durant notre époque classique, l’histoire avait été purement rationnelle. Les historiens effaçaient les traits particuliers, atténuaient les détails caractéristiques, ramenaient à je ne sais quelle uniformité décente et plate les figures les plus diversement significatives des siècles passés. C’est ainsi que nos anciens poèmes représentaient sans aucune distinction Alexandre et Charlemagne, que notre art du moyen âge donnait aux rois de l’antiquité profane ou sacrée la main de justice et les fleurs de lis. Au xviie siècle, le rationalisme cartésien vient fortifier encore cette tendance en réduisant l’homme à ce qu’il a de moins individuel. Au xviiie, Montesquieu signale l’influence des climats et celle des religions ; mais il reste dans le domaine de l’analyse spéculative : c’est un critique, un philosophe, et non pas un