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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

maire l’étude impartiale des idées. Restreignant à une époque particulière le vaste plan qu’avait esquissé Mme de Staël, il appliqua au xviiie siècle siècle cette formule toute nouvelle, mais admise déjà par « d’excellents esprits », que » la littérature est l’expression de la société ». Avec une claire intelligence de son temps, il indiqua ce que l’avenir devait accepter dans l’héritage du passé. Lui-même caractérise nettement sa conception de la critique quand il dit en publiant une traduction de Schiller : « Il ne s’agit point de savoir si, rapportant ces drames à de certaines règles, les comparant à des formes dont on a le goût et l’habitude, on les trouvera bons ou mauvais ; se livrer à un tel examen serait une tâche superflue et stérile. Au contraire, il peut y avoir quelque avantage à rechercher les rapports que les œuvres de Schiller ont avec le caractère, la situation et les opinions de l’auteur, et aussi avec les circonstances qui l’ont entouré. La critique, ainsi envisagée,… se rapproche davantage de l’étude de l’homme et de cette observation de la marche de l’esprit humain, la plus curieuse et la plus utile de toutes les recherches. » Faire entrer dans l’analyse des œuvres littéraires et la personne des écrivains et l’étude du milieu social, c’est justement le trait caractéristique de la méthode que devait suivre le nouveau siècle.

Cette rénovation de la critique par la psychologie et par l’histoire s’accorde parfaitement avec les progrès de l’esprit français dans la voie de tolérance où le romantisme l’engage de plus en plus : celui qui se donne pour tâche d’expliquer les œuvres plutôt que de les juger, renonce d’avance à tout dogmatisme étroit. La connaissance des littératures étrangères se répandait tous les jours davantage et contribuait à débarrasser notre goût des préjuges scolastiques. Les grands événements qui marquent la fin du xviiie siècle et le début du nôtre avaient d’ailleurs provoqué dans maints jeunes esprits le désir et comme le besoin d’une littérature qui gagnât en puissance d’effet ce qu’elle perdrait sans doute en délicatesse. À un peuple qui avait fait la Révolution et