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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

hautes pensées ». Mais il est chez lui en Italie et en Espagne ; l’Angleterre de Shakespeare et de Milton l’a de bonne heure attiré, celle des Fox et des Sheridan fut tout d’abord à Bes yeux comme une seconde patrie. L’étendue et la variété de ses connaissances lui fournissent des ressources qui manquaient à ses devanciers : de là, sa richesse, sa fertilité, son intérêt le plus piquant et le plus vif. En même temps, il y trouve de quoi féconder cette méthode comparative qui procède par des rapprochements perpétuels, et qui, s’établissant à la fois dans trois ou quatre pays pour montrer les mutuelles influences des peuples les uns sur les autres, fait de la critique ce que Villemain lui-même appelle un panorama littéraire.

Sa science le distingue des la Harpe ou des Geoffroy, mais son élégance légère et dégagée ne le distingue pas moins des purs savants. Il a le charme, l’agrément, le désir et le don de plaire. Il fuit tout appareil pédantesque, toute sèche et laborieuse discussion ; il prend les choses par le côté le plus aimable ; il anime, il égaie en y passant les complications de la rhétorique ; il cueille des fleurs sur les tiges épineuses de la grammaire. Les écrits de Villemain ne nous permettent d’apprécier que bien imparfaitement ce qu’il y avait en lui de séduction aisée et de naturelle grâce ; ils suffisent à nous montrer en quoi diffère des érudits, même les moins lourdement appliqués, ce talent tout littéraire qui introduit partout avec lui non seulement l’esprit et l’imagination, mais encore le sentiment, l’enthousiasme, l’émotion prompte et communicative. Nul n’a mieux que lui illustré la critique ; nul n’y a mis cette vivacité de sens, ces délicates nuances de goût, ce charme insinuant de la diction.

Ce qu’on lui reprocherait, c’est, dans le style, une timidité qui s’interdit trop souvent le mot propre et sacrifie l’effet de réalité pittoresque à de banales bienséances. Villemain a eu Luce de Lancival pour maître de rhétorique française, cela se reconnaît à quelque chose d’un peu trop orné dans sa manière, à un souci du bien dire qui émousse le trait. Mêmes scrupules pour les idées que pour la forme :