Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire au XIXe siècle, 1900.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
238
LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

en elle de vibrant et de passionné. Elle s’y rattache par l’idéalisme sentimental et romanesque qui fait le fond de sa nature. George Sand se complaît dans l’extraordinaire, elle prête à ses héros toutes les grandeurs dont elle sent en elle-même l’aspiration. Elle ne s’inquiète pas de reproduire le réel ; moins apte à analyser qu’à inventer, elle donne instinctivement une forme aux rêves de son imagination et aux élans de son cœur.

Ce sera déjà la faire connaître que de rapporter son œuvre entière à des sentiments. Trois surtout furent la source de ses inspirations ; unis en elle dès le début, chacun d’eux domine toute une période de sa carrière : l’amour d’abord, puis l’humanité, enfin la nature.

À Nohant, les songes d’une enfance solitaire et précocement recueillie ; dans l’âge critique, des accès de mysticisme qui exaltent la tête et les sens de la jeune fille ; puis, quelques années de vie à l’abandon, sans autre aliment pour l’esprit que des lectures aventureuses et décousues dont elle retient surtout ce qui parle à sa sensibilité effervescente, à son humeur romanesque , une courte union avec un mari qu’elle accepta sans l’aimer et dont les goûts vulgaires froissaient ce qu’il y avait en elle d’élevé et de délicat ; enfin, après les déboires d’un mariage mal assorti, une rupture qui livre à toutes les tentations cette âme expansive et frémissante : c’est assez pour expliquer que George Sand débute dans la vie littéraire par des cris de passion où le ton de l’anathème se mêle à celui du dithyrambe, que ses premiers romans soient l’apothéose de l’amour conçu comme un mystique idéal et l’ardente réprobation de préjugés sociaux qu’il est sacrilège d’opposer à l’appel divin. Femme d’un vieillard égoïste et brutal, Indiana trouve le bonheur dans l’affection d’une âme qui unit la tendresse à l’héroïsme, et elle abandonne le toit conjugal pour aller vivre au fond d’une solitude que cette affection suffit à remplir. En donnant son cœur à Bénédict, Valentine proteste contre les conventions mondaines dont elle est victime. Dans Jacques, le héros est le mari ; mais c’est le