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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

tendres et l’équité primitive sont ou peuvent être encore de ce monde ». De là, les paysanneries qui resteront peut-être comme son meilleur titre de gloire. La fraîche idylle de la Mare au Diable avait été le premier fruit de cette veine nouvelle. Bien des romans à théories, comme le Meunier d’Angihault, la plupart des romans à passions, Valentine par exemple, renfermaient maintes pages de poésie agreste qui avaient déjà montré chez George Sand un peintre incomparable de la nature. Dans la troisième période de sa carrière, l’auteur de Valentine et du Meunier d’Angibaut, faisant trêve aux divagations humanitaires aussi bien qu’aux déclamations romantiques, se repose sur des scènes de simplicité rurale qui rafraîchissent son cœur et réconfortent sa foi.

L’amour ne cessa point, même alors, d’être à ses yeux la souveraine expression de l’idéal. Elle avait d’abord exalté ce qu’on appelait en ces temps reculés les droits de la passion ; puis elle avait fait de l’amour l’initiateur d’une société nouvelle qu’elle rêvait pour lui ; elle cherche maintenant au sein de la nature cet Eden béni dans lequel il s’épanouit de lui-même comme une fleur des champs. C’était, au début, l’amour avec tous ses emportements et toutes ses fièvres, l’amour qui exalte et qui dévore, qui traîne ses victimes au suicide et ravit ses élus jusqu’à l’apothéose. Ce fut ensuite l’amour conçu comme un principe de réformation sociale : il jette les riches patriciennes aux bras d’ouvriers magnanimes qui consentent à les épouser quand l’incendie de leur château les a faites aussi pauvres qu’eux ; son triomphe éclate dans la glorification du peuple représenté par quelque héros obscur qui incarne en lui toutes les noblesses et toutes les grandeurs de l’humanité. Enfin, quand George Sand est allée demander aux champs leur douce et pacifiante inspiration, c’est l’amour d’âmes ingénues, l’amour sans exaltation factice, mais avec tout ce que la simple nature comporte de délicatesse spontanée, d’exquise douceur et de fraîche tendresse.

Pour George Sand, l’amour est divin par essence. Il con-