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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

et de coquetterie, des élégances plus simples et des abandons moins raffinés.

Coppée, comme le dit M. Scherer, « est essentiellement un conteur ». Dès les Poèmes divers. il s’essaie dans le Justicier à la narration héroïque. La Bénédiction, des Poèmes modernes, est une tentative du même genre. Plus tard il donne son recueil des Récits et Élégies, dans lequel l’inspiration épique domine. Cette veine n’est pas chez lui la plus originale ; on sent dans ses petites épopées l’imitation de la Légende des siècles, que rappellent non seulement le caractère des sujets, mais encore l’allure du récit et jusqu’aux procédés du style. Il ne saurait d’ailleurs lutter avec Victor Hugo de puissance, de vigueur et d’éclat. Aussi tâche-t-il de se faire simple ; mais cette simplicité, qui trahit l’affectation, jure parfois avec la grandeur des personnages ou des faits qu’il met en scène, et peut trop aisément prêter à la parodie. Les pièces les plus heureuses sont des scènes domestiques ou d’humbles légendes. Coppée y est lui-même, et voilà pourquoi nous préférons Un Évangile au Pharaon et Vincent de Paul aux Deux Tombeaux.

C’est dans les narrations familières que Coppée a trouvé sa véritable voie. Les Poèmes modernes la lui avaient ouverte ; puis ce furent les Humbles et Olivier. Les Promenades et Intérieurs renferment plus de tableaux de genre que de récits, mais ces tableaux eux-mêmes, tirés de la réalité actuelle et quotidienne, forment par là un des recueils les plus significatifs du poète. Nous avons déjà vu notre poésie, avec Manuel, chercher des inspirations dans le terre-à-terre de la vie moderne et, célébrer d’infimes héros dans des cadres aussi chétifs. Mais la manière propre de François Coppée rappelle surtout celle de Joseph Delorme et des Pensées d’août. Sainte-Beuve fut toujours, on le sent, un de ses poètes favoris : il le lisait jusque dans la « chambre bleue » des Intimités. L’auteur de Monsieur Jean a exercé une influence visible sur celui d’Angelus ; mais, supérieur en tout ce qui est psychologie, Sainte-Beuve a dans ses vers quelque chose d’entortillé, de pénible,