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LA POÉSIE.

Au début, Coppée s’exerce en même temps à tous les tons et à tous les genres. Dans le Reliquaire il fait pour ses premiers songes comme « une chapelle de parfums et de cierges mélancoliques ». Adolescent au cœur déjà meurtri, qui pleure les baisers ingénus et la foi de son jeune âge, il s’accuse, non peut-être sans quelque complaisance, d’indignes plaisirs où se sont flétris les saintes blancheurs de son âme, il rêve d’une vierge pieuse et sage dont l’amour sera sa rédemption. Dans les Poèmes divers, du jongleur espagnol, faisant voler autour de sa tête les poignards de cuivre, il passe à ces bonnes vieilles du village qui, sur le banc de pierre où elles restent tout un jour assises, recueillent avec un sourire d’enfant les rayons attiédis de l’automne ; il peint un vitrail d’église, et dit comment fut étranglé, l’an mil quatre cent trois, le très haut et très puissant seigneur Gottlob, surnommé le Brutal, baron d’Hildburghausen et margrave héréditaire de Schlotemsdorff ; il vient de soupirer la douce « ritournelle » de l’amour et de la poésie, et il entonne la chanson de guerre d’un chef circassien mettant les pistolets aux fontes et ceignant pour la bataille son sabre de caïmacan.

Nous trouvons plus d’unité dans le recueil qui suit. Coppée y reste fidèle à une de ses meilleures inspirations, celle des intimités. Ce recueil rappelle par le titre les premiers chants de Sully Prudhomme ; mais tandis que la Vie intérieure, avec toutes les délicatesses du cœur, exprime aussi les plus hauts soucis de la pensée et les plus nobles scrupules de la conscience, les Intimités ne sont guère que des mignardises d’amour. Même dans les choses de pur sentiment, Coppée n’a ni la grâce virile de Sully Prudhomme, ni son exquise pudeur ; il n’a pas non plus sa pénétrante subtilité d’analyse psychologique. Ce qui fait le charme de ces vers, ce sont des douceurs un peu molles et des délicatesses un peu languissantes. Le poète se plaît encore à certaines recherches qui trahissent son commerce avec les Parnassiens. Quand il reviendra dans la suite aux intimités, il y mettra moins de manière