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LE THÉÂTRE.

en montrer un aspect : or, comme les particularités sur lesquelles porte ainsi l’analyse sont en elles-mêmes trop minutieuses pour saisir notre attention, il est naturellement tenté de les grossir, il les tourne en caricatures, fort plaisantes sans doute, mais dont l’intérêt n’a rien de substantiel ni de durable. La composition de ses pièces dénote une incomparable dextérité de main, mais on y sent presque toujours l’artifice ; les plus « sérieuses » manquent d’unité, non seulement parce qu’elles juxtaposent pour la plupart un drame à une comédie de mœurs, mais encore parce que l’action du drame n’a aucun rapport avec le milieu que peint la comédie. À ses combinaisons les plus ingénieuses nous préférons la sévère simplicité des Augier et des Dumas. Le mouvement, voilà la faculté essentielle de Sardou. Mais ce mouvement est bien souvent celui des acteurs qui se démènent, et non celui de l’action qui marche à son dénouement logique. Une telle rapidité ne saurait d’ailleurs se concilier avec la peinture approfondie des mœurs et des caractères : comment saisir des personnages qui changent de place à chaque instant ? Quant au style, c’est peut-être ce que Sardou a de plus personnel ; ce style a toutes les qualités proprement dramatiques, l’éclat, le nerf, çà et là la couleur, partout la vivacité d’allure. Mais il n’est fait que pour la scène ; il manque parfois de correction, presque toujours de plénitude.

L’auteur de Divorçons est avant tout le plus expert, le plus souple, le plus inventif, le plus divertissant des vaudevillistes. Son originalité distinctive a consisté à rajeunir l’ancien vaudeville, dont Scribe lui avait transmis la formule, à en renouveler les conventions défraîchies, à y introduire enfin plus de vérité, une observation des mœurs contemporaines peu profonde sans doute, mais bien vive et bien piquante.