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LES PSEUDO-CLASSIQUES.

Une rénovation s’impose. La fin du xviiie siècle et le commencement du xixe en offrent déjà quelques indices : entre la tragédie pseudo-classique et le drame romantique, il semble au premier abord y avoir eu une sorte de transition.

Ducis avait essayé d’acclimater le drame shakespearien sur la scène française ; mais rien ne montre mieux que ses imitations mêmes combien le goût du public était rebelle aux plus timides essais de nouveauté. Dans son Hamlet, le poète est tellement effrayé des « irrégularités sauvages » dont la pièce originale abonde, qu’il se déclare « obligé de créer une pièce nouvelle ». Dans Macbeth il s’applique « à faire disparaître l’impression d’horreur qui, certainement, eût fait tomber son ouvrage ». Dans Jean-sans-Terre il s’excuse au public de représenter Arthur périssant « par la main de son oncle ». Dans Othello il ne dévoile la scélératesse de son Moncenigo que tout à la fin de la tragédie, et il prend soin d’annoncer aussitôt que possible le châtiment que subit le traître ; il donne au More, non « un visage noir », mais « le teint jaune et cuivré », moins choquant pour les convenances tragiques ; enfin, il fait tuer Hédelmone d’un coup de poignard. Ce Ducis, qui paraît alors si hardi, nous semble, à nous, bien pusillanime. Le Shakespeare qu’il nous offre est un Shakespeare mitigé, édulcoré, plié à toutes les conventions et à toutes les bienséances de notre scène. C’est aussi un Shakespeare sensible et vertueux, dans le goût de Diderot : toutes les adaptations de Ducis sont dominées parle souci d’une moralité banale et puérile, complètement étrangère à l’esprit shakespearien. C’est seulement avec le triomphe de l’école romantique que le dramaturge anglais prendra pied sur notre théâtre : trente ans après la Révolution, en 1822, des acteurs venus exprès d’Angleterre pour jouer à la Porte-Saint-Martin quelques pièces de Shakespeare sont accueillis à coups de « pommes cuites et d’oeufs » par les spectateurs scandalisés.

Sous l’Empire, Népomucène Lemercier semble impatient de tenter des voies nouvelles. Dans Pinto il mêle la comé-