Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire contemporain, 1908.djvu/191

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populaire, soit que, comme M. Sully-Prudhomme, ils substituent aux cris de passion romantiques une analyse sagace et réfléchie de leur sensibilité, soit enfin que, comme Leconte de Lisle et M. de Heredia, ils s’appliquent à restituer les civilisations disparues. Si nous devions marquer la place de l’école parnassienne dans l’histoire de notre poésie, nous insisterions davantage sur l’excellence de son art. Mais une jeune école a déjà paru, une école dont l’idéal est tout autre, ou plutôt tout contraire. Il nous faut donc montrer comment s’explique et se justifie cette réaction des nouveaux poètes contre la discipline de leurs aînés.

Les Parnassiens ont visé à la perfection. Or quelque chose de parfait, c’est quelque chose d’achevé, de déterminé, de limité. La poésie du Parnasse est, dans son essence, une poésie logique, une poésie didactique et technique. Sans même rappeler ici ce qu’on trouve de prosaïsme chez M. Sully-Prudhomme, par exemple, quand il met en vers tel système de philosophie, telle loi de physique, ou, plus souvent, chez M. François Coppée, lorsqu’il décrit tel site de la banlieue parisienne, cette poésie réaliste ne réclame du poète aucune des qualités qui lui sont vraiment propres, qui le distinguent du prosateur. Nos épilhètes les plus admiratives pour louer une œuvre exclusivement parnassienne conviendraient presque autant à de la prose. Disons même à de la prose scientifique. Car, après tout, les traits fondamentaux qui caractérisent cette œuvre caractériseraient aussi bien l’œuvre écrite d’un savant. La