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drin depuis l’époque classique jusqu’au Parnasse[1]. Expliquons comment cette évolution s’est poursuivie et achevée dans les vingt ou vingt-cinq dernières années de notre siècle.

Au temps des parnassiens, il était obligatoire que la sixième syllabe eût un accent tonique. Pourtant on admet déjà quelques atténuations. Chez Leconte de Lisle et chez Victor Hugo lui-même se trouvent des alexandrins où la tonique médiane est très affaiblie. Voici deux vers de la Légende des siècles :


Les bataillons les plus hideux, les plus épiques…
Une bande de gens de bataille plus forte…


où les mots plus et gens sont ce qu’on appelle des proclitiques. Une pareille atteinte à la règle essentielle du rythme normal préparait l’abolition complète de cette règle. Si les romantiques supprimaient la césure, qu’est-ce qui empêchait de remplacer la syllabe tonique par une atone ? Au point de vue rythmique, il n’y a aucune différence entre les deux alexandrins suivants, l’un qui est de Victor Hugo, l’autre que l’on peut former sur le même modèle, en faisant tomber au milieu d’un mot la sixième syllabe :


Dans le serpent, dans l’aigle altier, dans la colombe.
Dans le jasmin, dans l’églantier, dans la verveine.


Ni Victor Hugo ni Leconte de Lisle n’ont jamais écrit un seul vers tel que ce dernier ; mais leurs scrupules

  1. Cf., dans le Mouvement littéraire au XIXe siècle, le chapitre II de la seconde partie.