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ne sauraient s’expliquer que par une vaine superstition du type classique. Après eux, les poètes furent moins timides et plus conséquents. Je ne crois pas qu’aucun académicien rejette aujourd’hui des vers comme ceux-ci, que je prends au hasard dans Verlaine :


Puis, franchement et simplement, viens à ma table...
En attendant l’assomption dans ma lumière.


Un autre progrès non moins important, c’est que les alexandrins ternaires se multiplient. Il n’y en a guère chez Victor Hugo qu’un sur dix ; il y en a bien davantage je ne dis pas chez Mallarmé, qui, sur ce point, resta un parnassien, mais chez Verlaine et chez ses disciples. Ainsi notre versification gagne en souplesse, en variété d’effets ; ainsi le poète devient de plus en plus libre dans ses combinaisons rythmiques. Et rien de mieux sans doute, pourvu que nous puissions faire toujours une différence entre la poésie et la prose.

Aux mètres en usage, la jeune école en ajoute d’autres, jusque-là inconnus ou peu pratiqués, soit des mètres qui dépassent l’alexandrin, soit des mètres impairs.

Ceux qui dépassent l’alexandrin n’étaient pas absolument nouveaux. Baïf en avait composé de quinze syllabes[1]. On veut les proscrire sous prétexte qu’un nombre de syllabes supérieur à douze excède la durée de « l’acte expiratoire ». Mais cette raison

  1. C’est ce qu’on appelle les vers baïfins.