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VOLTAIRE PHILOSOPHE

répudient plusieurs livres que tient pour authentiques l’Église romaine[1].

Mais où sont, en cette matière, les éléments de certitude ? Ceux qui affirment l’authenticité de tels ou tels livres niée par d’autres, comment pourraient-ils l’établir ? Les Évangiles apocryphes sont presque les seuls que citent les Pères des deux premiers siècles. Et sait-on pour quels motifs l’Église choisit quatre Évangiles, ni plus ni moins ? L’Église fixa le nombre des Évangiles à quatre d’après un rapport de saint Irénée, alléguant les quatre vents cardinaux et les quatre formes des chérubins sur lesquels Dieu est assis. À ces motifs, Théodore d’Antioche, saint Cyprien, saint Jérôme en ajoutent, il est vrai, de non moins bons : le premier, c’est que Lazare resta mort pendant quatre jours ; le second, c’est qu’il y avait quatre fleuves dans le paradis terrestre ; le troisième enfin, c’est qu’on portait l’arche sainte avec des bâtons passant par quatre anneaux. Et voici quelque chose de mieux. Au concile de Nicée, les Pères, fort en peine d’opérer le triage, placèrent sans distinction sur l’autel tous les livres contestés, en priant le Seigneur de faire tomber ceux qui n’avaient pas reçu l’inspiration divine : et telle est, paraît-il, la grâce que le Seigneur leur accorda[2].

  1. Dict. phil., Évangile, XXIX, 268 sqq., Genèse, XXX, 25 sqq. ; Moïse, XXXI, 239 sqq. ; Extrait des Sentiments de J. Meslier, XL, 406 sqq ; etc.
  2. Examen important, XLIII, 103 sqq. ; Collection d’anciens Évangiles, XLV, 325 sqq. ; Hist. de l’établiss. du Christianisme, L, 462 sqq., 489; etc.
    Si l’exégèse biblique et l’histoire religieuse ne sont pas chez Voltaire originales par le fond même, — car il ne fit le plus souvent que répéter à sa façon ce qu’avaient déjà dit Spinoza,