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RELIGION

œuvres. Mais on l’aurait réduit au silence, et la vérité ne serait point venue[1].

D’autre part, Voltaire conseille à ses amis de mener prudemment la campagne philosophique, de ne pas donner d’armes contre eux. S’il blâme parfois des articles trop timides que Diderot et d’Alembert écrivent eux-mêmes ou admettent dans l’Encyclopédie, il en signale d’autres comme trop audacieux. Pour son compte, il use de ménagements. Il ne dit pas toujours sa véritable pensée ; il recourt très souvent à cette ironie qui est, comme l’appelaient les Latins, une dissimulation[2] ; il se déclare meilleur chrétien que ses adversaires[3].

Et même il ne se borne pas à protester verbalement ou par écrit de son orthodoxie catholique, apostolique et romaine. Dans la seconde moitié de sa vie, il croit

  1. Le public ne s’y trompait pas. À qui Voltaire pensait-il faire accroire que ses pamphlets contre le catholicisme avaient été écrits par des religieux persécutés dans leurs couvents (Lettre à Damilaville, 8 févr. 1768), ou que le Dictionnaire philosophique devait être attribué à « un nommé Dubut, petit théologien de Hollande » ? (Lettre au même, 29 sept. 1764 ; cf. Lettre à d’Argental, 1er oct.) Aussi bien le ton même dont il se disculpe et les plaisantes raisons auxquelles il a recours montrent assez que ses désaveux étaient en général de pure forme.
  2. Déjà, par exemple, dans l’Avant-propos des Premières Remarques sur les Pensées de Pascal : « On ne peut trop répéter ici combien il serait absurde et cruel de faire une affaire de parti de cet examen des Pensées. Je n’ai de parti que la vérité. Je pense qu’il est très vrai que ce n’est pas à la métaphysique de prouver la religion chrétienne et que la raison est autant au-dessous de la foi que le fini est au-dessous de l’infini. Il ne s’agit ici que de raison, et c’est si peu de chose chez les hommes que cela ne vaut pas la peine de se fâcher » (XXXVII, 38).
  3. . « Il n’y a d’autre parti à prendre que de se déclarer meilleur chrétien que ceux qui nous accusent de n’être pas chrétiens », etc. (Lettre à d’Alembert, 21 févr. 1761).