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VOLTAIRE PHILOSOPHE

nécessaire de pratiquer le culte. À Colmar, en avril 1754, comme des espions avaient été apostés pour s’enquérir s’il ferait ses pâques, des amis l’avertirent en le pressant de les faire ; et il suivit ce conseil[1]. Pendant son séjour à Ferney, il accomplit tous les devoirs extérieurs de la religion. « Je vous quitte, écrit-il au marquis Albergati, pour aller à la messe de minuit avec ma famille et la petite-fille du grand Corneille. Je suis fâché d’avoir chez moi quelques Suisses qui n’y vont pas ; je travaille à les ramener au giron » (23 déc. 1760). La comtesse d’Argental lui ayant recommandé la prudence : « Je vais à la messe de ma paroisse, lui répond-il, j’édifie mon peuple, je bâtis une église, j’y communie et je m’y ferai enterrer, mort-Dieu, malgré les hypocrites. Je crois en Jésus-Christ consubstantiel à Dieu, en la vierge Marie mère de Dieu. Lâches persécuteurs, qu’avez-vous à me dire ? » (14 janv. 1761)[2]. On connaît ses querelles avec Biord, l’évêque d’Annecy ; rappelons seulement qu’en 1769, craignant d’être persécuté, il força le curé de Ferney à lui donner la communion.

  1. « Au moment où il allait être communié, dit Collini, je jetai un coup d’œil subit sur le maintien de Voltaire. Il présentait sa langue en fixant ses yeux bien ouverts sur la physionomie du prêtre. Je connaissais ce regard-là » (Mon séjour auprès de Voltaire, Paris, 1807, p. 127).
  2. Cf. Lettre à d’Alembert, 1er juill. 1766 : « Je rends le pain bénit tous les ans avec une magnificence de village que peut-être le marquis Simon Le Franc n’a pas surpassée. » Lettre à d’Argental, 1er avr. 1768 : « Vous me demandez pourquoi j’ai chez moi un jésuite ; je voudrais en avoir deux, et si on me fâche, je me ferai communier par eux fois par jour. » Lettre au cardinal de Bernis, 9 févr. 1770 : « Si vous êtes cardinal, je suis capucin. Le général qui est à Rome m’en a envoyé la patente… Je me fais faire une robe de capucin assez jolie. »