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RELIGION

plus qu’il n’y a deux géométries. S’il y avait deux justices, l’une pour nous, l’autre pour Dieu, l’Être suprême aurait donc voulu nous induire en erreur ; non content de se cacher à ses créatures, il les aveuglerait : quel pire outrage peut-on lui faire ? Non, ce qui est juste selon nous est juste selon Dieu[1].

Or examinons les deux dogmes principaux du catholicisme, ceux sur lesquels il se fonde : le Péché originel et la Rédemption.

Le dogme du péché originel est un scandale pour notre conscience. Quoi ? Dieu nous imputerait une faute commise par le premier homme voilà des milliers d’années ! Dira-t-on que le fils paye souvent les erreurs et les vices du père ? C’est là une loi de la nature, une solidarité de fait qui n’a rien à voir avec la morale. En nous punissant pour le crime d’un autre, Dieu renierait sa propre essence[2].

Quant à la rédemption par Jésus-Christ, elle n’est pas plus équitable que la condamnation en Adam. Chacun a sa responsabilité personnelle. Si nous méritons d’être récompensés ou d’être châtiés, nous le méritons en raison de notre propre conduite. La justice exige qu’on nous traite sur ce que nous avons fait. Je ne veux être ni châtié pour la faute d’Adam, ni récompensé pour les mérites de Jésus-Christ.

  1. Homélie sur l’Athéisme, XLIII, 238, 239 ; Dict. phil., Impie, XXX, 333.
  2. Dict. phil., Péché originel, XXXI, 323 sqq. — Cf. Le Pour et le Contre :

    Ayant versé son sang pour expier nos crimes,
    Il nous punit de ceux que nous n’avons point faits !
    Ce Dieu poursuit encore, aveugle en sa colère,
    Sur ses derniers enfants l’erreur d’un premier père.

    (XII, 18.)