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VOLTAIRE PHILOSOPHE

manger les œufs pondus par ses poules ou les fromages pétris de ses mains[1].

Non seulement la loi religieuse s’assujettit la loi civile, mais on peut dire que l’Église fait un corps dans l’État, un corps privilégié et affranchi du droit commun.

D’abord, elle a sa juridiction. Voltaire rappelle l’époque où les clercs usurpaient dans bien des pays les principales charges de la magistrature. Sans doute ces abus ont pris fin ; mais les juridictions ecclésiastiques se sont en partie maintenues[2]. L’an 1758, Joseph Ier de Portugal ayant demandé au pape « la permission de faire juger par son tribunal royal des moines accusés de parricide », ne put l’obtenir et n’osa passer outre[3]. Est-ce que les princes continueront longtemps à s’incliner devant les prétentions du clergé ? N’auront-ils pas tôt ou tard le courage de revendiquer leurs prérogatives essentielles ?

Ensuite, l’Église possède ses biens propres ; et, « selon les principes du droit vulgairement appelé canonique, qui a cherché à faire un Empire dans l’Empire », les biens de l’Église sont sacrés et intangibles, comme « appartenant à la religion », comme « venant de Dieu, non des hommes » (Dict. phil., Droit canonique, XXVIII, 474).

Bien plus, elle ne paie pas l’impôt. Les rois de France ont souvent prétendu l’y soumettre et n’y ont jamais réussi. Tous des cinq ans, à vrai dire, le clergé

  1. Dict. phil., Carême, XXVII, 453.
  2. Ibid., Droit canonique, XXVIII, 489.
  3. Ibid., Pierre (saint), XXXI, 426 ; Siècle de Louis XV, XXI, 372. — Il s’agissait de quelques jésuites, qui « avaient conseillé et autorisé l’assassinat du roi ».